Cette semaine, Rebecca M. (qui n’est la même que la Rébecca de Ioannis !) partage avec nous l’histoire de la naissance de sa fille Élia, sous la forme d’une lettre qu’elle lui adresse…
Montréal, le 28 septembre 2011
Ça fait plusieurs mois que je veux faire ce que je fais enfin maintenant… te raconter ta naissance.
Le samedi matin, on est à la maison, et il faut partir pour aller manger chez des amis. Je n’ai pas trop envie d’y aller, et je ne suis pas de la meilleure humeur. Et puis il faut absolument s’occuper des rideaux avant de partir… C’est un premier indice qu’il se passe quelque chose, comme je l’ai lu dans plusieurs livres. Mais à ce moment-là, je ne vois rien. La date prévue de l’accouchement était hier, le vendredi 11 et mon amie A. voudrait bien que tu arrives avant qu’elle ne s’en aille (le mardi suivant). On finit donc par aller chez nos amis les S., et on mange lourd et gras, et en quantité, parce que c’est bon.
Dans l’après-midi, A. s’en va chez G. et R. pour assister au show de baladi de G. cette soirée-là. Nous, on a encore le ventre plein alors on ne mange pas beaucoup cette soirée-là… On s’en va ensuite voir un spectacle à la TOHU, le spectacle des finissants de l’école de cirque. Le spectacle est super, je me sens bien. Après le spectacle, on va profiter de la rue Sainte-Catherine qui est fermée à la circulation ; on s’installe à la terrasse d’un bar. Mon ami D. me demande s’il peut te faire un coucou de sa main sur mon ventre. Tu bouges vraiment beaucoup, et de manière quand même inhabituelle… deuxième indice.
On rentre à la maison assez tard, vers 23h30, le temps de faire… rien ; on se met au lit vers minuit… On se parle et on se dit qu’on va bien se reposer demain, qu’on va en profiter pour aller se promener et se poser quelque part dans l’herbe… Peut-être faire quelques courses…
Mais dès que je me mets au lit, je ressens des douleurs de temps en temps, comme des douleurs menstruelles. Je me lève et je vais dans le salon, et je commence à me bercer assise sur le gros ballon. Quand la douleur est forte, je me penche en avant et je mets ma tête sur l’accoudoir du canapé. Et je fais des sons ; ils sortent de nulle part, ou plutôt de très loin ; ils sont graves et viennent tout seuls. Je dis à ton papa qu’il peut continuer à dormir parce que je sais pas trop si c’est le jour ou pas… Je lui dis aussi qu’un 13 juin, j’aime pas trop comme date de naissance.
Et puis les douleurs commencent à être plus fortes, et je vomis quelques fois. Ton papa me propose d’aller prendre un bain, il me le fait couler, m’aide à y entrer, me met de la musique (Salif Keita, que j’ai eu envie d’écouter). Il appelle la sage-femme vers 3 heures du matin. Je crois que la sage-femme lui propose de me faire sortir du bain pour voir si les contractions se maintiennent. Je sors du bain, mais tout est plus difficile à tolérer en dehors du bain.
Vers 5 heures, ton papa rappelle la sage-femme qui nous dit qu’elle va arriver bientôt et qu’en attendant, il vaudrait mieux que je reste en dehors du bain.
À 6h10, la sage-femme arrive avec une stagiaire. Elle me fait un premier examen, et je suis à 7cm !!! Je commence à me rendre compte que je vais vraiment accoucher. Jusque-là, j’avais l’impression que c’était peut-être du faux travail…
Je peux enfin retourner dans le bain. Elle me dit : « fais-moi signe quand tu perds les eaux », se retourne et quitte la salle de bain. Elle n’a pas encore passé la porte que je sens que quelque chose descend vraiment et la contraction suivante me fait très mal… Il est 6h55, je viens de perdre les eaux, dans le bain ! Elle appelle alors l’autre sage-femme qui va être là pour le reste de l’aventure.
Je suis déjà dans un état de concentration intense depuis plusieurs heures. J’en ressorts pendant quelques minutes, le temps de donner des instructions importantes à ton papa : appelle l’acupunctrice et envoie un courriel pour que mes amies allument une bougie et se joignent à moi en pensée pendant ces prochaines heures.
L’acupunctrice arrive et elle sent un parfum que j’aurais beaucoup aimé si je n’étais pas en travail… cette odeur m’agace profondément, elle me dérange… mais pas la force de le dire. Elle me fait un premier traitement…. puis un second plus tard, il est 8h30. Je suis dans notre chambre, sur le gros ballon encore, accompagnée de ton papa et de l’acupunctrice. Les 2 sage-femmes et leur stagiaire sont à la table à manger. Je les entends discuter, rire. Ton papa les regarde et leur jette un regard qui dit tout.
Vers 9h20, la sage-femme me propose de me faire un deuxième examen ; je suis réticente à l’idée, j’ai peur d’être déçue… Elle me convainc que c’est la chose à faire : je suis à 10cm, « complète ».
Je n’ai pas du tout envie de pousser. La sage-femme m’envoie faire pipi. Je suis sur les toilettes, et je n’ai plus aucune idée de ce que je dois faire, je ne sais même pas si j’ai envie ou pas… toujours pas envie de pousser, j’ai l’impression que tu es très haut perchée dans mon ventre, et que tu ne veux pas descendre. J’avais déjà eu cette impression quand on avait fait des jeux d’haptonomie : tu allais à gauche, à droite, mais rarement en bas.
Vers 9h45, l’acupunctrice me refait un traitement, pour m’aider à me décider m’expliquera-t-elle plus tard.
Vers 10h30, la sage-femme revient me voir et me dit qu’il faudrait commencer à pousser. Elle me conseille une position (allongée sur le côté) ; c’est vrai que c’est un aspect auquel je n’ai pas pensé. Je trouve la poussée tellement difficile que je dis : « on n’en aura pas d’autres ! ». Je m’étais tellement préparée aux contractions à cause du côté passif que j’ai oublié qu’après venait le temps de la poussée (que j’appréhendais moins à cause du côté actif, et aussi parce beaucoup de femmes m’avaient parlé de « délivrance »). Mais c’est vraiment là où je suis surprise, c’est vraiment très difficile. Tellement difficile que pendant une contraction, je fais semblant qu’il ne se passe rien (même si mon ventre se gondole sous l’effet de la contraction), pour prendre une pause dans ce marathon.
À 11h00, ta tête sort et la sage-femme t’aspire le nez avec une poire. Tu nais officiellement à 11h01. Le cordon est coupé par ton père à 11h06, tu es maintenant séparée de moi. Ton papa dit : « Ça y est ? On peut dire comment elle s’appelle ? C’est Élia ».
Je ne pense rien, je ne comprends rien ; je crois bien que tu es sur mon ventre, mais je suis ailleurs, très loin. Je reviens petit à petit, mais mes souvenirs sont très vagues.
Tu vas ensuite sur la peau de papa, parce que je reçois des soins : le placenta sort de mon ventre à 11h19, il faut m’appuyer sur le ventre pour l’aider à sortir, ça fait mal. Après, c’est une piqûre dans la cuisse gauche pour que mon utérus se contracte bien, et encore une autre, je crois, dans la cuisse droite. Comme je n’ai pas uriné, la sage-femme me pose une sonde pour que le tout puisse sortir.
À 12h10, la deuxième sage-femme commence à recoudre le passage qui s’est abîmé quand tu es sortie, quand je t’ai poussée dehors.
À 12h45, la suture est terminée, il me semble que c’était long !
Vers 13h, je te reprends enfin pour que tu commences à téter au sein…
À 15h30, les sages-femmes s’en vont. Tes oncles, tantes et mamie vont venir bientôt.
Nous, on se retrouve tous les 3 tous seuls à la maison ; ton papa et moi, on réalise combien tu es précieuse et fragile, comment on est tout seuls maintenant avec toi, et on pleure un peu….
La famille arrive plus tard : je suis en forme, alors je me lève pour aller ouvrir la porte et les accueillir. Ils sont surpris !